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Théâtre à Paris : Les lapins sont toujours en retard !

  

Samedi soir dernier nous nous sommes faits une soirée légère dans le 18ème arrondissement de Paris, notre ancien quartier. C'était un vrai petit retour aux sources ! Retrouver la rue Duhesme, la rue du Poteau, les commerçants de quartier.... autant je ne regrette aucunement notre appartement de la rue du Mont Cenis qui était extrêmement mal isolé, autant ce quartier très parisien nous manque grandement. En sortant de chez nous, tout était à côté de nous pour se changer les idées ! C'est le désavantage de la banlieue...

Nous avons retrouvé nos anciens voisins pour un petit apéro dinatoire à El Tast, cave à bières où jusqu'à maintenant nous avons toujours eu du mal à avoir une place. Les évènements terribles d'il y a une semaine laissent des endroits d'habitude totalement remplis, presque vides. El Tast propose de la charcuterie espagnole de qualité (en revanche, le plateau de fromages est sans plus), où nous pouvons l'accompagner d'un verre de vin ou d'une bière artisanale. L'endroit bien chauffé nous a permis d'avoir un moment très convivial.

Ensuite j'ai réservé un spectacle. Quand on va sur le site officiel du Théâtre des Béliers Parisiens on a la possibilité d'avoir de très bonnes réductions pour une pièce jouée le jour-même. J'ai donc pu avoir des places à 17 € l'unité au lieu de 32 € ! Je crois que je vais faire un peu plus attention aux sites des théâtres à partir de maintenant ! Les lapins sont toujours en retard ! était une pièce frivole et distrayante, de quoi nous changer les idées. C'est l'histoire d'Alice qui va chez un psy et qui raconte son histoire mais aussi celle de sa sœur jumelle. On suppose aisément d'après l'affiche de la pièce que cette dernière s'inspire de récit de Lewis Carroll, et malheureusement pour moi, la fin (et certains effets comiques) m'a paru prévisible. Cela ne pas pas m'empêcher de sourire, de rire et d'apprécier, mais je ne pense pas avoir un souvenir impérissable de cette pièce. Par contre j'ai trouvé que certains acteurs étaient particulièrement bons, Yannik Mazzilli arrive à passer à merveille d'un personnage grotesque comme le policier, à un personnage sérieux et énigmatique comme le psy. Nous avons aussi trouvé avec M. que Aude Mourier était très attachante et pleine de charme. Donc une pièce sans prétention qui nous a fait passer un bon moment.

Fragonard amoureux, galant et libertin : une exposition un peu trop sage

Lundi soir, ou le meilleur soir de semaine pour se faire une exposition ! J'ai été stupéfaite par le peu de monde rencontré au Musée du Luxembourg le 12 octobre dernier. J'ai eu l'habitude d'aller aux nocturnes dans diverses expositions le jeudi, où c'est en général infernal : difficile d'approcher les œuvres artistiques, foule dense, bruits... C'était par conséquent très agréable de pouvoir flâner paisiblement entre les peintures de Fragonard ! Il était d'autant plus plaisant de s'y promener grâce aux murs grisés et aux lumières tamisés ; j'avais une impression plus intime des lieux.

Fragonard, peintre français connu pour ses œuvres libertines et galantes, était au centre de cet évènement hivernal (comment se fait-il qu'il fasse déjà si froid ?!). Je m'attendais à quelque chose de plutôt espiègle dans la présentation. J'ai été déçue de ce point de vue là ! Toute la présentation reste très sage : peintures et esquisses accrochées, trois-quatre livres érotiques ouverts et puis c'est tout. Les explications autour de chaque œuvre restent assez sommaires (nous influence-t-on à prendre l'audioguide ?) et il ne faut pas s'attendre à quelques éclaircissements croustillants ! Il manquait un côté ludique à cette expo, une interaction avec le public, comme cela se fait de plus en plus dans les galeries des musées.

Les Hasards heureux de l'escarpolette de Fragonard
Autre petit bémol : le tableau Les Hasards heureux de l’escarpolette n'était pas présent. Œuvre plutôt emblématique de Fragonard quand on fait quelques recherches. A croire que le Musée Wallace Collection a fait son radin et n'a pas voulu faire le prêt ! ( En passant c'est quoi ce délire de cette inspiration de l'escarpolette avec Frozen ?!)

La Gimblette de Fragonard

Cela m'a tout de même appris quelques petites choses sur le XVIIIeme siècle. Plusieurs fois, avec Au. nous avons été interpellé par ces peintures où figurent des demoiselles lascives avec leur chien...Frago avait-il des tendances zoophiles ? Sur le moment nous en avons bien ri mais le lendemain de notre sortie, j'ai fait quelques recherches sur le sujet et grande surprise : "à l'époque, les petits chiens avaient la réputation de servir de sex-toys et selon le commissaire de l'exposition, de nombreux textes en attestent" (source : Blog de Thierry Hay). En fin de compte on rit un peu moins tellement c'est ahurissant !

Le Verrou de Fragonard
Le deuxième élément qui a retenu mon intérêt c'est l'autre perspective donnée autour du Verrou. Sans prêter attention aux détails, j'imaginais que cette peinture représentait un couple qui voulait se cacher d'un regard extérieur. En fin de compte, on nous donne comme explication celle du viol : la demoiselle n'a pas l'air de vouloir être tenue et enfermée de cette façon. N'ayant pas réellement d'information officielle de cette oeuvre, nous restons donc dans l'hypothèse. Était-ce une manière pour Fragonard de dénoncer cet acte infâme ?...

Sinon j'ai trouvé que c'était super de nous rediriger sur le site du Petit Palais, que je connaissais très mal, pour voir, numérisés, les contes érotiques de La Fontaine illustrés par Fragonard (attention, ce sont de gros *.pdf ça charge lentement, mais cela vaut le coup !)

A l'affiche : Dheepan



C’est avec impatience que j’ai été voir au cinéma le film Dheepan de Jacques Audiard sorti il y a peu. C’est l’histoire de trois sri lankais fuyant la guerre, un soldat Tamoul, une femme et une petite fille, qui se font passer pour une famille afin d’être réfugiés en France ; on les voit observer et évoluer à travers une cité de région parisienne. J’étais curieuse de connaître la nouvelle création ayant obtenu la Palme d’Or : est-ce que cela vaut le coup ? Mon avis est plutôt mitigé…

Un regard différent et étranger sur la France


J’ai tout de suite pensé aux Lettres Persanes de Montesquieu où deux voyageurs étrangers posent leur regard sur la société française et ses dysfonctionnements au temps de Louis XIV. Bien sûr, nous ne sommes plus sous la monarchie, mais le principe est le même : comment voit-on la France à l’extérieur ? J’ai trouvé que ce parti pris était très intéressant. Cela m’a permis aussi d’être plus touchée par la misère de ces sri lankais ou indiens qui vendent des fleurs dans la rue ; comprendre mieux le vécu de certains de nos immigrés est pour moi assez important, c’est de cette manière que l’on évite la peur de l’autre et le racisme. On peut du coup tout de suite trouver une résonance certaine avec notre actualité avec les syriens… et mine de rien le film reste en suspens au fond de ma tête quand je regarde le 20H.
On peut aussi grâce à cette vision étrangère faire un parallèle entre l’autodestruction des banlieues européennes avec les guerres civiles dans le monde. Les minorités/communautés souffrent du cloisonnement.
Ces trois personnes qui évoluent sur le sol français avec inquiétude vont au fur et à mesure du temps apprendre à s’apprivoiser. Et je trouve que la plus belle citation que l’on peut faire des Lettres Persanes est celle-ci : « Ce ne sont pas seulement les liens du sang qui forment la parenté mais aussi ceux du Cœur et de l'Intelligence ». Ce message que l’on peut sentir à travers le film est beaucoup plus subtil, pour moi c’était la deuxième trame la plus captivante du film. J’aurais d’ailleurs aimé qu’elle soit encore plus mise en valeur !

Un cinéma un tantinet sexiste

J’ai été cependant assez désappointée par cette touche de sexisme que l’on voit un peu tout au long du film. Il y a pour moi deux personnages principaux : l’ancien soldat, Dheepan, et la jeune femme. On connait le vécu et les souvenirs de l’homme mais aucunement de la femme. Et pourtant c’est une question évidente ! On aperçoit à de nombreuses reprises le tatouage en forme de soleil de Yalini, sans en connaître l’histoire. C’était pour moi une assez grande frustration de rester avec mes interrogations. Pourquoi aurait-il plus d’importance qu’elle ?
Pour en rajouter une couche Dheepan joue le rôle de chevalier blanc auprès de cette dernière…

Des disproportions

Je ne pense pas être chauvine mais ça m’a un peu énervé que la France soit vue comme l’enfer sur terre et l’Angleterre un paradis édulcoré. Il y a un manichéisme tellement poussé à la fin de la projection que le manque de finesse en fait un film plus médiocre qu’il ne l’est pendant les ¾ de la pellicule. C’est vraiment dommage !
D’ailleurs on a aussi l’impression que le film est coupé en deux genres bien distincts : jusqu’au deux tiers de la projection nous sommes face à un drame social réaliste où certains plans sont magnifiquement mis en valeur et ensuite on est tout simplement dans un film de cowboy du XXIème siècle (wtf ?!), on se croirait dans Taken. Alors soit Audiard voulait se la jouer américain, soit il était en plein délire. Dans les deux cas il y a un sentiment de gâchis.