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A l'affiche : Dheepan



C’est avec impatience que j’ai été voir au cinéma le film Dheepan de Jacques Audiard sorti il y a peu. C’est l’histoire de trois sri lankais fuyant la guerre, un soldat Tamoul, une femme et une petite fille, qui se font passer pour une famille afin d’être réfugiés en France ; on les voit observer et évoluer à travers une cité de région parisienne. J’étais curieuse de connaître la nouvelle création ayant obtenu la Palme d’Or : est-ce que cela vaut le coup ? Mon avis est plutôt mitigé…

Un regard différent et étranger sur la France


J’ai tout de suite pensé aux Lettres Persanes de Montesquieu où deux voyageurs étrangers posent leur regard sur la société française et ses dysfonctionnements au temps de Louis XIV. Bien sûr, nous ne sommes plus sous la monarchie, mais le principe est le même : comment voit-on la France à l’extérieur ? J’ai trouvé que ce parti pris était très intéressant. Cela m’a permis aussi d’être plus touchée par la misère de ces sri lankais ou indiens qui vendent des fleurs dans la rue ; comprendre mieux le vécu de certains de nos immigrés est pour moi assez important, c’est de cette manière que l’on évite la peur de l’autre et le racisme. On peut du coup tout de suite trouver une résonance certaine avec notre actualité avec les syriens… et mine de rien le film reste en suspens au fond de ma tête quand je regarde le 20H.
On peut aussi grâce à cette vision étrangère faire un parallèle entre l’autodestruction des banlieues européennes avec les guerres civiles dans le monde. Les minorités/communautés souffrent du cloisonnement.
Ces trois personnes qui évoluent sur le sol français avec inquiétude vont au fur et à mesure du temps apprendre à s’apprivoiser. Et je trouve que la plus belle citation que l’on peut faire des Lettres Persanes est celle-ci : « Ce ne sont pas seulement les liens du sang qui forment la parenté mais aussi ceux du Cœur et de l'Intelligence ». Ce message que l’on peut sentir à travers le film est beaucoup plus subtil, pour moi c’était la deuxième trame la plus captivante du film. J’aurais d’ailleurs aimé qu’elle soit encore plus mise en valeur !

Un cinéma un tantinet sexiste

J’ai été cependant assez désappointée par cette touche de sexisme que l’on voit un peu tout au long du film. Il y a pour moi deux personnages principaux : l’ancien soldat, Dheepan, et la jeune femme. On connait le vécu et les souvenirs de l’homme mais aucunement de la femme. Et pourtant c’est une question évidente ! On aperçoit à de nombreuses reprises le tatouage en forme de soleil de Yalini, sans en connaître l’histoire. C’était pour moi une assez grande frustration de rester avec mes interrogations. Pourquoi aurait-il plus d’importance qu’elle ?
Pour en rajouter une couche Dheepan joue le rôle de chevalier blanc auprès de cette dernière…

Des disproportions

Je ne pense pas être chauvine mais ça m’a un peu énervé que la France soit vue comme l’enfer sur terre et l’Angleterre un paradis édulcoré. Il y a un manichéisme tellement poussé à la fin de la projection que le manque de finesse en fait un film plus médiocre qu’il ne l’est pendant les ¾ de la pellicule. C’est vraiment dommage !
D’ailleurs on a aussi l’impression que le film est coupé en deux genres bien distincts : jusqu’au deux tiers de la projection nous sommes face à un drame social réaliste où certains plans sont magnifiquement mis en valeur et ensuite on est tout simplement dans un film de cowboy du XXIème siècle (wtf ?!), on se croirait dans Taken. Alors soit Audiard voulait se la jouer américain, soit il était en plein délire. Dans les deux cas il y a un sentiment de gâchis.